L’histoire de la peinture est longue et celle des fils presque aussi ancienne ; les premiers fils teints datent de 34 000 ans. On connaît dans l’histoire récente des artistes pour lesquels peindre/teindre/déteindre ont liens de parenté. De cette filiation, fils échappés, Antoine Perrot et Olivier Soulerin ont filé vers des pratiques picturales qui ne se satisfont pas de la toile de lin, de la tarlatane ou du calicot. Ils portent regard sur la variété de textiles qu’offre notre monde de consommation et appuient leur pratique sur leurs fonds imprimés. Patterns tout prêts sur cretonne, vichy, taffetas, moiré, indienne, tissus synthétiques etc. Peinture modeste qui résiste à la sacralisation de l’acte du peintre. Plus que les patterns, la couleur est l’objet de ces ouvrages. Ready-made color – la couleur importée revendique Antoine Perrot en compagnie de Claude Briand-Picard.
Antoine Perrot picture dans le vif de la couleur du quotidien. Agenceur d’un monde encombré de babioles en plastiques sans valeur. Manière de désacraliser l’acte du peintre. Matière à dessiller le regardeur ; pas d’éblouissement face à l’icône. Aucune utilité programmatique. La force du travail réside en cette inutilité affirmée qui par sa modestie sans repli possible derrière des savoir-faire offre la possibilité de batifoler à l’envers de l’aura du grand art.
Olivier Soulerin est chaîne pur coton / trame en lin et praticien de la calandre des moires qui lustre ou glace les étoffes. Avec de ténues interventions métissées avec les motifs de ses textiles, il met le spectateur dans une situation incertaine de perception. Où est le fond, où est le peint, où est ce motif fantôme perçu mais dont une attention soutenue conclut qu’il est le produit d’une vision perturbée. Peu d’intervention sur le support pour maximum d’efficience. La couleur sucrée l’apparente à la douceur ronde d’une bonbonnière mais il faut se méfier : derrière ces pastels se trame le paysage d’un quotidien à la chaîne.