Avant le futur
Claude Briand-Picard, Antoine Perrot, des années de complicité
On est incontestablement toujours avant le futur. Présent à notre temps, car notre monde n’a pas disparu, il s’offre un répit afin d’être saisi et partagé avec plus d’attention. Présent donc, non pas pour attendre un futur qui fatalement nous débordera, mais pour l’ouvrir avec les moyens du jour. Et ces moyens d’agir, ils sont là, à portée de main, dans les objets, dans les matériaux et dans les couleurs qui construisent et distribuent les raisons de notre environnement.
En empruntant ces objets du quotidien, ces matériaux de la maison et de la rue, Claude Briand-Picard et Antoine Perrot ont chacun réalisé une œuvre qui, s’inscrivant contre toute attente dans une tradition picturale, fait peinture en s’appropriant les couleurs industrielles fusionnées aux matériaux. Ils ont désigné cette appropriation « couleur importée » ou « ready-made color ». Elle s’est traduite par la publication de deux ouvrages Peindre ? en 1996 et La couleur importée / Ready-made color en 2002, ainsi que par plusieurs expositions en France (Paris en 2002, Brest 2003, Nanterre 2004, Toulouse 2009), et à l’étranger (Allemagne en 2001, Belgique 2007, Pologne 2008 et 2009).
Dans la continuité de ces œuvres réalisées avec des sacs plastiques et des barrières de signalisation, Claude Briand-Picard assemble par la technique du thermocollage des avertisseurs de chantier, ces grillages en plastique que l’on enterre dans une tranchée, à une distance de 20 ou 30 centimètres au-dessus de ce qui est à protéger : conduites d’eau (bleu), fils électriques (rouge), gaz (jaune), réseaux télécoms (vert), chauffage/ climatisation (violet), produits chimiques (orange), etc. Il crée ainsi des dispositifs colorés, souples, aux formats divers, qui amplifient ou dérèglent les jeux de la grille attachée aux propositions plastiques abstraites. Dans les séries comme Tartan et plus récemment Oiseaux exotiques, les couleurs vives des avertisseurs créent des vibrations colorées qui donnent l’impression d’une surface mouvante.
Ces jeux de perception se retrouvent dans la dernière série de travaux intitulée Paysage d’Antoine Perrot, bien que les matériaux utilisés soient issus des usages quotidiens : ici des pailles en carton dont les motifs répétés créent des ponctuations instables qui ouvrent au regard d’incessants parcours ; là dans une autre série, Suivez-moi-jeune-homme, des bolducs dont les rythmes colorés flottent au devant de l’œil et attirent la main. Car ces débordements visuels, que ce soit dans les œuvres de l’un ou de l’autre artiste, les dotent d’un caractère tactile, rappelant que « la main de l’œil » (Paul Valéry) est au centre des processus de création de ces œuvres ainsi que de leur réception.